RESO comme elle va…
L’année 2015 fut, pour les associations, une année difficile et l’occasion d’une nouvelle cure d’austérité.
Les plus touchées sont les associations à vocation culturelle, principalement celles dont la part d’auto financement est structurellement faible.
Mais pas seulement. Dans un texte de 2013
[1], nous attirions l’attention sur le plan de licenciement invisible qui se mettait progressivement en place via les coupes opérées dans les finances des collectivités territoriales et de l’Etat. Invisible parce que concernant un nombre limité d’emplois existant dans chaque structure concernée.
C’est maintenant chose faite et les fermetures atteignent le cœur de l’action sociale, même pour les groupements nationaux dont les relais politiques et les pouvoirs de « lobbying » sont importants.
Contrairement à ces conjonctures dramatiques, RESO n’est pas dans cette situation.
Depuis notre création, nous avons bénéficié de plusieurs aides financières de la part de collectivités territoriales ou de fondations privées.
Pour mémoire :
La Fondation pour la Cité VINCI nous a octroyé 28 000€ contribuant ainsi au lancement de notre activité maraîchère et à l'agencement de la salle Olympe de Gouges.
Nous avons obtenu de Centre Ain Initiative une avance de 20 000€ remboursable sans intérêt ainsi que sa caution pour un emprunt bancaire du même montant.
Le Conseil Général, aujourd’hui Conseil Départemental, outre la mise à disposition gratuite d’un terrain de 400m2 à l’arrière de l’hôtel, nous a versé une aide de 4 OOO€ pour son aménagement (installation d’un jardin d’aromates et d’un espace détente pour les résidents du Temps des Cerises).
La Région Rhône-Alpes nous a accordé une subvention de 36 OOO€ (répartie sur deux exercices) pour la création d’un emploi de jardinier.
Le soutien conséquent de la Fondation Abbé Pierre ne s’est jamais démenti.
Nous avons de nouveau rencontré les animateurs(trices) de la Fondation en août 2015 pour redéfinir les actions qu’ils souhaitent particulièrement soutenir dans notre projet polymorphe.
Même si leur appui est plus spécifiquement dirigé sur la partie logement de notre activité (leur vocation première), ils sont très sensibles à notre volonté de diversifier nos champs d’intervention dans le sens d’un renforcement du lien social.
En 2015, la Région Rhône Alpes nous a attribué une nouvelle subvention de 39000€ pour le maintien du poste de cuisinière de « La Canaille ». Ce dispositif dégressif sur trois exercices permet de soutenir une activité jusqu’à ce que celle ci soit financièrement autonome.
La demande à été élaboré conjointement avec l’AGLCA
[2] qui assure également le suivi du dossier par des bilans réguliers.
Les raisons de ces bonnes fortunes sont dues en partie au fait que RESO ne s’est pas limitée à un seul objet mais qu’à partir de sa mission originelle d’aide aux personnes sans logement, elle a développé d’autres activités.
Autour du pivot de l’hôtel « Le temps des cerises » se sont agglomérés un restaurant, un espace rencontre, ainsi qu’une activité de maraîchage.
Pour notre satisfaction, ces multiples greffons ont prospéré, mais nous sommes conscients que cela n’était pas donné d’avance.
Quoiqu’il en soit, la diversité des expérimentations mises en œuvre, cette synergie revendiquée, qui contribue au rapprochement d’individus d’horizons et de conditions sociales parfois très éloignés, nous ont beaucoup aidé dans l’argumentation de nos demandes de subvention.
Enfin, et c’est pour nous le plus important, les institutions qui nous apportent leur aide, trouvent, quand elles nous « scrutent », une adéquation, une cohérence, entre l’objet de nos demandes et le travail que nous réalisons. Elles considèrent, en somme, que nous concilions le « dire et le faire. »
Au final, le bilan financier de l’association est positif affichant un léger excédent pour certaines activités.
RESO s’auto finance à 80% grâce aux loyers perçus au « Temps des cerises », à la vente des repas de « La Canaille » ainsi qu’à la location de la salle « Olympe de Gouges ». Ajoutons à cela les cotisations et dons des adhérents dont le nombre reste stable (environ 70 personnes.)
Les 20% apportés par les partenaires financiers sont néanmoins indispensables à cet équilibre.
Ce qui nous contraint à une vigilance constante quant à la maîtrise de nos «
coûts de production » tout en veillant à maintenir le projet de l’association largement sous-tendu par notre pratique des prix de vente.
Dit autrement, il est bien sur envisageable d’augmenter les loyers, le prix du repas, les tarifs des spectacles et de la location de notre «
espace rencontre », la cotisation annuelle des adhérents pour parfaire notre autonomie.
Tout est question du seuil à partir duquel une partie des commensaux, du public, des adhérents, se détournerait de nous, considérant que notre « originalité » tient surtout du discours.
Enfin, le recours aux subventions publiques, l’augmentation des prix de vente ne sont pas les seules possibilités d’obtenir des ressources.
A l’heure d’Internet nous gagnerions à prospecter du coté du mécénat numérique qui fait souvent preuve de son efficacité.
Une association n’existe pas sans ses adhérents.
Et l’insistance mise sur l’appel à la bonne volonté de ses associés est inversement proportionnelle à son aisance financière.
La plupart des membres du Conseil d’Administration, notamment les ex-salariés ou militants d’OSER, ont toujours considéré qu’un financement public de l’action sociale est préférable aux dons des fondations privées.
Pas par idéologie, mais parce que la seule source de la richesse produite est le travail humain.
La redistribution, quelle que soit la manière dont elle s’opère, allocations, dotations, mécénat des grandes entreprises n’est jamais autre chose que la répartition d’une partie de la plus value produite par les ouvriers et captée sous forme de profits par les possédants qui décident seuls de leur affectation.
Par ailleurs, dans le système français cette redistribution est largement financée, malgré les attaques continuelles contre le système de protection sociale, par les cotisations, donc par le salaire.
Pour les mêmes raisons, le recours au salariat est pour nous préférable à la recherche de bénévoles.
Du coup, certains qui nous ont connus vent debout contre le « travail gratuit » nous trouvent soudain raisonnables.
Oubliant au passage que des décennies durant, ils ont accepté toutes les remises en cause de l’Etat dit « providence », avalisé les multiples contre-réformes des systèmes de retraite, soutenu sans coup férir la baisse des cotisations sociales miraculeusement baptisées « charges patronales. »
Concédons quant à nous que nous n’avions pas suffisamment perçu le caractère double de l’activité bénévole, que nous avions néanmoins souligné
[3]
Redisons-le : cet appel constant au bénévolat contrarie parfois, tant il est vrai qu’il signe la volonté mise par l’Etat de ne plus assurer son rôle redistributeur et d’amortisseur des injustices sociales.
Nous avons souvent l’impression, et ce n’est pas faux, surtout dans le domaine du logement et de l’accompagnement, de nous substituer, de combler l’insuffisance de la prise en charge collective des besoins sociaux.
Mais l’engagement associatif témoigne d’autre chose, propre au genre humain.
Dès le 19
ème siècle, la pensée de DARWIN intègre l’éthique, la culture humaine, comme inscrites dans les mécanismes même de l’évolution, par la sélection de comportements sociaux basés sur la coopération, la base du succès de l’espèce humaine.
Comme le constatait Ernest MANDEL
1 dans un autre domaine : «
après 2000 ans d’économie de marché, de concurrence de tous contre tous imposée par le capitalisme, il n’est pas parvenu à annihiler tout sentiment altruiste chez l’homme. »
Autrement dit, l’interdépendance économique, le besoin de solidarité conduisent à la recherche de l’organisation collective.
D’où l’importance de multiplier les expériences qui,
« A l’encontre de l’individualisme et son anonymat (qui connaît ses voisins ?) favorisent et reconstituent les lieux de socialisations, du vivre ensemble, de la mixité et réintroduisent une réflexion de fond sur l’éthique de l’engagement. »[4]
C’est probablement notre plus grande réussite, qui consiste à faire coopérer physiquement un aussi grand nombre d’individus aux personnalités et préoccupations parfois tellement éloignées.
La figure imposée par un rapport d’activité est de bilanter celle ci en évitant les redondances, redites et autres pesanteurs.
Nous renvoyons à nos anciens textes et nous contenterons de pointer un certain nombre de questions.
- L’hôtel du «
temps des cerises » poursuit sa mission d’accueil et d’hébergement. Le partenariat s’intensifie, la structure est reconnue par les acteurs du travail social mais boudée par les institutions officielles (DDCS notamment).
Un équivalent temps plein de salariée est consacré théoriquement à la gestion du lieu, mais une partie est accaparée par le service de restauration.
L’accompagnement des résidents, dû à notre volonté de ne pas recréer les contraintes d’un centre d’hébergement, que certains parmi nous avaient pratiqué pendant des décennies, ainsi qu’au manque de moyens, se voulait modique.
De fait, les populations accueillies, dont la précarité (travail, logement, santé) se généralise, nécessitent pour leur prise en charge une énergie, un investissement humain, une compassion, équivalente pour adoucir les multiples difficultés à exister dans un monde impitoyable aux faibles. Cela n’est pas sans conséquences sur les finances, au moment d’exiger le paiement des loyers en temps et en heure.
- La baisse de fréquentation du restaurant constatée en 2014 ne s’est pas reproduite.Par rapport à l’année précédente, nous constatons une augmentation d’environ 400 repas avec une moyenne de 48 couverts/jour.
L’intensité du travail en cuisine augmente mais le nombre de participants à cette activité est toujours aussi important.
D’autant que les clients ne sont pas avares en compliments, en « gratifications symboliques » envers celles et ceux mijotent plats et desserts.
La mise en place, le service en salle et au bar, le nettoyage, travaux plus obscurs, suscitent moins d’engouement.
Le nombre des stagiaires accueilli
est stable mais le temps consacré à leur accompagnement n’est pas toujours compensé par une « productivité » équivalente.
Nous pourrions probablement planifier plus rigoureusement le travail (organisation des bénévoles, stagiaires, remplacement pendant les absences, commandes auprès des fournisseurs, liens avec l’activité jardin, etc.) mais cette question récurrente est difficilement discutable.
< >Nous avons définitivement renoncé à financer un salaire par notre production de légumes et d’œufs pour les raisons évoquées dans les rapports d’activité 2012- 2013
[5].
[6]
Le Conseil d’Administration peine à se rajeunir, se renouveler.
Les caciques se prennent parfois pour la «
queue de la poêle » mais se font heureusement rembarrer et moquer sans ménagement.
La bienséance hiérarchique imbécile n’est pas de mise. Ce qui donne une ambiance de travail particulière où l’on
« se dit les choses » sans crainte d’une sanction.
Mais ce principe n’est pas compensé par une saine émulation autour d’orientations, de projets.
En témoigne l’écriture du présent Rapport d’Activité fait à deux, ce qui n’est pas l’idéal pour qui ambitionne un fonctionnement démocratique !
Le Président est en poste depuis trois ans.
Ce n’est pas considérable, mais assez pour commencer à poser la question de son remplacement à plus ou moins long terme.
Le temps viendra bien assez vite ou il cristallisera, comme dans tant d’associations, toutes les critiques, les persiflages, les mécontentements.
En retour, il peut également se penser indispensable, figer sa position, et ne plus tenir compte de l’avis des tiers.
Le connaissant personnellement assez bien, je crois qu’il n’aspire ni au rôle de bouc émissaire ni à la fonction de commandeur isolé.
[1] Cf. rapport d’activité 2013 : 40 000 suppressions d’emplois en 2014 : Ce plan social invisible qui frappe le secteur associatif.
[2] AGLCA
Maison de la Vie Associative qui héberge nombre d’associations et leur apporte de multiples soutien notamment juridique
1 Ernest MANDEL : Traité d’économie marxiste.
[3] Rapport d’activité 2012 : ETAYAGE
.
[4] Pierre ROUSSET François SABADO
Inprecor N°622 Décembre 2015
[5] RA 2012 : Alchimie et RA 2013 : Funambules.
[6] Léon TROTSKY. Formule lapidaire qu’on peut traduire ainsi : « Qu’elle ait raison ou qu’elle se trompe, c’est ma classe. »